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l’Euro-Méditerrannée
Thema Mère Méditerrannée
Ma mère m’a sensibilisée au monde sensible, m’offrant ainsi le lait de la Méditerranée. Elle m’a sensibilisée à l’Histoire. Histoires de guerre et paix parce qu’elle avait elle – même traversé douloureusement les guerres. Elle m’a sensibilisée aux questions de justice ayant commencé sa carrière professionnelle dans une étude d’avocats, à Oran, auprès de mon parrain Maître Dufour.
Elle m’a aussi sensibilisée à toutes les questions qui peuvent toucher particulièrement les femmes.
C’était la femme Française, moderne. Jeune femme, elle avait traversé le Sahara à l’occasion d’un voyage découvrant un Sud qui allait la marquer profondément toute sa vie. Ma mère s’était appropriée le monde par la lecture en particulier de la littérature et de la presse écrite.
Elle m’a sensibilisée à l’art comme elle-même y avait été initiée et me racontait mon parrain recevant Camus. Cela m’impressionnait.
Ma mère mettait de l’art dans la vie. Elle a mis de l’art dans ma vie et de la Méditerranéité féconde, de l’afición .
Elle aimait Victor Hugo qu’elle connaissait par cœur et la littérature arabe. Elle aimait l’Orient et sa Poésie, Oum Kalsoum et Mahmoud Darwich et toujours la part d’Orient chez Lorca et dans le flamenco où l’on peut crier, gémir, frapper, marteler…à souhait et à volonté. Pensait-elle que les Poètes trouvent ce que les archéologues ne cessent de chercher, comme un profond du profond ?
Elle écrivait des poèmes à forme fixe entourée de dictionnaires de multiples langues avec une fascination pour la traduction. Rien ne la fascinait autant à Paris que l’Institut du Monde Arabe et en Espagne rien davantage que La sagrada familia de Gaudi à Barcelone et La casa Mila, La pedrera.
Pas de ligne droite. Tout courbe, mou, tordu, les toits avec des cheminées comme des guerriers casqués. Des tours inspirées de bougies fondantes ou des châteaux de sable. Et l’arène, la tauromachie et la géométrie de l’affrontement : la mort de profil chez Lorca …
Ma Mère aimait occuper nerveusement le monde sensible et plus encore elle s’extasiait de tout ce par quoi on peut occuper le monde sensible AUTREMENT en particulier LE THEATRE .L’esthétique en ce sens la fascinait.
Je considère que ma mère m’a donné le monde.
Ma mère était ma lectrice-correctrice, assistante de mes travaux : de mes thèses (elle avait reçu une mention spéciale lors de mes soutenances) et de mes livres.
Elle croyait en une Méditerranée de tolérance, de courage et de partage et fondait en son Union.
Ma mère est décédée le 3 janvier 2009. Jusque dans les derniers instants de sa vie, elle n’a cessé de transmettre et d’impulser.
J’ai entrepris une écriture sur la vie et l’œuvre de ma Mère retrouver ma lame de fond, corail et mollusque transparent, hippocampe et oiseau dans l’eau et hors de l’eau, hippocampe cheval de mer. Ma mère m’a donné la Poésie comme un au-delà ici.
Si la Méditerranée est dite communément berceau, je puis affirmer qu’elle fut pleinement le mien.
Les berceaux avaient sauvé ma mère par 2 fois. Au moment de la guerre d’Algérie notre voiture avait été épargnée, seule dans une longue file de voitures incendiées peut-être parce qu’elle portait sur sa galerie un berceau. Puis lors d’un plasticage au domicile, c’est encore le berceau qui avait protégé mon frère nourrisson.
Comment ce tulle tendu infiniment léger avait-il pu supporter des éclats de verre aussi lourds ? Ce mystère du berceau aura certainement ancré une croyance profonde dans un bien commun.
Et à la fin nous nous demanderons: L’Andalousie
fut-elle
Là ou là-bas? Sur la terre… ou dans le poème?
Mahmoud Darwich